La vie cachée de Désirée BUFFET

Désirée BUFFET est la grand-mère de mon grand-père. Née le 24 avril 1854 chez ses parents rue d'Evreux à Saint-André-de-L'Eure, elle est la fille de Jean Marguerin BUFFET, journalier, et de Marie Elizabeth LAUVRAY.

A 20 ans, je savais qu'elle avait épousé Edouard Alexandre BOISSEAU le 31 janvier 1874 à Saint-André-de-L'Eure (Eure) en Normandie. De sept ans plus âgé qu'elle, Edouard Alexandre est ouvrier maréchal lors de son mariage. Entre 1874 et 1879, il lui donnera trois enfants dont mon arrière grand père Gustave, comme il est précisé dans mon article Edouard Alexandre BOISSEAU (4) et les femmes.

Je savais grâce au compte rendu du jugement de divorce, qu'Edouard Alexandre n'était pas un mari idéal. Peu à la maison, en partie à cause de son métier de maréchal ferrant, son mari n'étaient pas au près d'elle lors de ses accouchements. Au moment du divorce, en juillet 1896,  il est écrit qu'Edouard Alexandre l’a abandonné depuis plus de 15 ans et vit avec une autre femme.

Récemment, grâce aux accords entre Geneanet et Ancestry, je lance une recherche sur Edouard Alexandre et Désirée dans le moteur de recherche d'Ancestry. Ma surprise est de taille, car je découvre la naissance de plusieurs autres enfants sur Paris ou proche banlieue, déclarés étant du couple entre 1882 et 1892.

En 1882, Désirée met au monde un enfant sans vie à Paris 11ème. Le père déclare l'enfant et signe maladroitement "Bosseau". Suivront une série de naissances qui ne sont probablement pas des enfants d'Edouard Alexandre, car cela va correspondre à la période où il est déclaré l'avoir abandonnée dans le jugement de divorce.

Naissances des "Pauline"

Alida Pauline nait le 12 décembre 1883 à Paris 20ème, au 59 rue d'Avron, chez "ses parents". Le père déclaré, Edouard Alexandre, est absent et la naissance est déclarée par la sage femme.

Rue d'Avron, Paris XXème - Source CPArama.com

La petite décède 7 mois plus tard, elle est enterrée dans la tranchée gratuite de la 13ème division du cimetière de Belleville (Paris 20ème). Son acte de décès, ci-après, présente plusieurs indices intéressants. Alida Pauline décède chez "sa mère", et non chez "père et mère",  le père étant volontairement barré. L'adresse du décès est dans la même rue que la naissance mais au n°92 de la rue d'Avron. Cette adresse est également l'adresse d'un des deux amis qui déclarent le décès, Paul MINOREL, mécanicien. S'il est bien noté que la fillette est la fille d'Edouard Alexandre, il est précisé père "absent sans nouvelle" ! Au vue des informations découvertes, on peut se demander si le prénom "Paul"ine est un hasard ?

Janvier 1885, Désirée mettra au monde Pauline Marguerite. Le père est encore absent et la naissance est déclarée par la sage femme. Non seulement on retrouve le prénom "Paul"ine, mais c'est à nouveau Paul MINOREL qui ira déclarer le décès de l'enfant un mois plus tard. Son corps est enterré dans la tranchée gratuite de la 27ème division dans le cimetière parisien de St Ouen (93). Il est ajusteur et habite toujours à la même adresse que Désirée, au 92 rue d'Avron, Paris 20ème. Les recensements sur Paris n'existant pas à l'époque, rien ne peut déterminer avec certitude qu'ils habitaient ensemble. Le fait que Désirée est notée "sans profession" sur les actes civils de 1885 est un indice intéressant, car elle exerçait précédemment le métier de couturière et elle est censée élever seule ses trois précédents enfants de 11, 8 et 6 ans.

Nouvelle naissance été 1886, Désirée mettra au monde Pauline. Etonnamment, la naissance est déclarée par Edouard Alexandre qui signe l'acte de naissance ... mais la signature est celle de Paul MINOREL ! Le doute s'estompe franchement ... Triste répétition de l'histoire, la petite décède à l'hôpital Saint Antoine, à nouveau un mois plus tard. Les parents habitent alors au 285 rue de Paris à Montreuil. La carte ci-après permet de visualiser les deux adresses proches de la porte de Montreuil, même si les lieux ont changé.

Intinéraire entre le 92 rue d'Avron Paris 20ème et le 285 rue de Paris à Monteuil

Décembre 1888, Désirée nomme à nouveau son bébé Pauline, même si le père officiel reste Edouard Alexandre, vu qu'elle est toujours mariée à lui, il est toujours noté "absent". Elle accouche à la clinique située 89 rue d'Assas dans le 6ème arrondissement. C'était à l'époque un grand centre d’accouchement et de prise en charge des mères et des enfants (aujourd'hui Clinique Tarnier, rattachée à l'hôpital Cochin). Les parents sont déclarés habiter 8 rue des Mezières à Bagnolet, Désirée y est femme de ménage. Le malheur s'acharne, la petite Pauline décède à 1 mois et demi.


Clinique d'accouchement Tarnier

Qui était Paul MINOREL ?


En cherchant sa trace, j'ai découvert que Paul est un amour de jeunesse de Désirée. L'an 1872, les fiançailles de Paul et Désirée sont annoncées sur la porte de la mairie de sa ville de naissance, St André de l'Eure. La publication des bans aura lieu les 7 et 14 avril ... mais aucun mariage ne sera célébré ensuite. Elle avait 18 ans. Pour quelle raison le mariage a-t-il été annulé ? Elle devait l'aimer puisqu'elle part à Paris pour refaire sa vie avec lui lorsque son mari l'abandonne avec ses trois enfants.

Paul a 9 ans de plus que Désirée et c'est un normand, comme elle. Il est né en 1845 à Bricquebec dans la Manche, près de Cherbourg, soit à près de 250 km de St André de l'Eure où Désirée habitait. Comment se sont-ils rencontrés ? Mystère.

Paul est le fils de Jean Baptiste, employé dans la télégraphie originaire de Magneville (Manche), et de Marie Jacqueline Sophie TOLLEMER (ou TOLMER). A 20 ans, lors du recrutement militaire à Cherbourg, il habite à Bernay (Eure) où il exerce le métier d'ajusteur. C'est donc sans doute le travail qui l'a amené à 60 km de St André de l'Eure. Il sait lire et écrire et fait partie de la 2ème Compagnie du 2ème bataillon du contingent de la Garde Nationale Mobile. Il sera libéré de ses contraintes militaires le 25 mai 1871.

Dans la presse, je découvre que Paul est condamné par la Police Correctionnelle de Lisieux à 3 mois de prison pour vagabondage. Il avait 23 ans, soit seulement trois ans avant qu'il demande la main de Désirée ... le mariage aurait-il été annulé par les parents qui ne considéraient pas Paul comme le gendre idéal ?


Son parcours suivra clairement celui de Désirée à partir de l'année 1883. Il décèdera à 43 ans en son domicile de Bagnolet, le 16 mars 1889, officiellement "célibataire".

Un neuvième enfant

En 1892, trois ans après la mort de Paul MINOREL, Désirée met au monde un petit Henri, à l'hôpital Tenon à Paris 20ème, qu'elle déclare être le fils d'Edouard Alexandre. Il ne vivra qu'un mois et demi ... Le père officiel est signalé comme "disparu" dans l'acte de décès, le père biologique reste inconnu. Désirée habite 260 rue de Paris à Montreuil et enchaîne les petits boulots en tant que journalière. Elle a toujours ses trois enfants à charge et se décide en 1895 à demander le divorce pour reprendre officiellement sa liberté.


Mes recherches se poursuivent pour mieux comprendre la suite de sa vie.



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